Les prix du papier ont connu de nombreuses hausses tout au long de l’année 2021 : COVID, cours de la pate à papier, concurrence internationale, explosion de la demande… Les facteurs aggravants se sont accumulés, créant ainsi une situation sans précédent.
La crise énergétique détériore une situation déjà tendue et de nouvelles hausses de prix sont encore attendues pour janvier 2022. Tous les acteurs de l’industrie print sont gravement mis a épreuve par ce contexte.
Retour en arrière, une situation qui dure depuis fin 2020
Au cœur du problème : la hausse continuelle du prix de la pâte à papier
Après une forte baisse, les prix de vente du papier ont atteint un niveau historiquement bas au début de l’année 2021. Cependant, le cours de la pate a papier va augmenter, ce qui va changer la donne pour les papeteries européennes. Dans cette situation, les fabricants papier ont répercuté ces coûts sur les prix de vente dès le deuxième trimestre 2021.
En juin, les papeteries ont commencé à imposer des augmentations de prix pour les livraisons du second semestre. Néanmoins, la situation s’est encore aggravée au cours du mois de juillet. Les prix de la pulpe (voir graphique ci-dessous), du transport, de l’énergie, des produits chimiques et des quotas de CO2 ne cessant d’augmenter, les producteurs européens ont été contraints d’adapter leurs prix.
Cette augmentation sans précédent du prix de la pâte à papier a atteint un niveau historiquement haut en octobre, atteignant plus de 1350 dollars à la tonne.
Et ce n’était que le début des ennuis pour les fabricants de papier…
Une hausse de prix aggravée par la COVID: quand l’offre ne peut plus satisfaire la demande
Alors que l’économie a commencé à s’améliorer suite à la mise en œuvre des programmes de vaccination COVID-19 et à l’assouplissement consécutif des restrictions par les gouvernements européens, la demande de papier a commencé à croître. Selon les données d’EURO-GRAPH, l’Association européenne des producteurs de papier graphique, les livraisons européennes de papiers graphiques atteignent 14 millions de tonnes au cours des neuf premiers mois de l’année. Dans le meme temps, la demande européenne connait un rebond a 14,6 million de tonnes (+3.2% par rapport a 2020).
A tout cela, s’ajoute encore un facteur, la Chine et l’Amérique du Nord usent de moyens de pression financiers afin de faire main basse sur la production de pâte à papier et de papier européen.
Comme en témoigne Eric De Brouwer, responsable des ventes chez le producteur de papier IGEPA, la pression sur les acheteurs est bien réelle: “Pour le moment, les fabricants de pâte à papier préfèrent vendre en Chine parce que les prix y sont plus élevés, et les fabricants de papier préfèrent vendre aux Etats-Unis, pour la même raison. »
Cette prédation des deux plus grandes puissances mondiales réduit automatiquement l’offre de papier disponible. Les données d’Euro-Graph confirment cette tendance : les exportations de papiers graphiques hors Europe ont fait un bond de 6,7%, passant de 3,6 en 2020 a 3,8 millions de tonnes en 2021.
En résumé, le problème soulevé ici tient en quelques lignes : les moyens de production normalement mis à la disposition des fabricants et des imprimeurs est calibré pour un certain volume d’activité. La crise du COVID a dérégulé l’équilibre qui faisait jusqu’à présent office de fiche de route pour les producteurs. En diminuant fortement la demande dans un premier temps puis en l’augmentant subitement avec la reprise de l’activité mondiale.
La crise énergétique mondiale, dernière pièce du puzzle
Au début du mois de septembre, la situation s’est encore détériorée, avec une hausse spectaculaire des prix de l’énergie.
Les prix de l’électricité en Europe ont dépassé les 100 euros/MWh pour la toute première fois, ce qui correspond à une hausse d’environ 150 % en glissement annuel. Les prix du gaz, quant a eux, ont dépassé les 62,3 euros/MWh, doublant presque par rapport aux niveaux de juin.
Parallèlement, les prix des permis d’émission de CO2 de l’UE ont également dépassé 60 euros par tonne en septembre, contre 34 euros par tonne au début de l’année.
Tous les papetiers, sans exception, sont donc arrivés au même constat : ces hausses de coûts énergétiques inédites ne laissent plus d’autres choix que d’impacter ceux-ci sur les prix de vente.
« Sappi Europe ne peut plus absorber toute l’ampleur de l’augmentation sans précédent des prix de l’énergie et annonce l’intention d’appliquer une surcharge énergétique générale sur tous les produits « , a déclaré le producteur de papier.
Cette stratégie est assumée et affichée de manière claire par les fournisseurs papier qui ont annoncé à l’unisson une hausse énergétique à la tonne de papier vendu, oscillant entre +100 et +200 euros par tonne de papier vendu. Et ce, sans distinction de type de papier ou de quantité commandée.
Cette nouvelle hausse de prix présente un nouveau coup dur pour l’ensemble de l’industrie qui se retrouve à nouveau en difficulté face à des clients toujours plus étonnés des différentes vagues d’augmentation de leurs coûts d’achats. Nous reviendrons sur ce point plus en détail dans la seconde partie de notre dossier.
Fin 2021 : des hausses de prix papier spectaculaires
Tous les fabricants européens sont logés à la même enseigne : la crise du papier est mondiale et les augmentations de prix n’épargnent personne. La société allemande Kabel Premium Pil & Paper, l’espagnol LECTA, le finlandais UPM, Sappi Europe, Antalis Europe et la liste est longue. A la fin de l’année 2021, il n’existe plus un seul fabricant n’ayant pas impacté ses prix de vente de manière drastique. Comme les autres papetiers, Lecta se justifie en déclarant que “la hausse de prix est indispensable pour compenser l’augmentation exceptionnelle des matières premières liée à la flambée des prix du gaz, de l’électricité et des produits chimiques”.
La situation à l’heure actuelle et le bilan de cette année sont alarmants : une tonne de papier négociée en janvier 2021 au prix de 650 euros se vendra maintenant au double ou plus, jusqu’à 1400 euros la tonne.
La raréfaction de la matière aggrave la situation, donnant les pleins pouvoirs à des producteurs seuls maîtres de leurs prix. La demande est telle que les acheteurs ne peuvent plus se permettre de négocier les prix d’achats. En effet, la concurrence est rude et prête à mettre le prix afin de gagner de nouveaux marchés.
La flambée spectaculaire des prix, une disponibilité volatile des produits et des retards de livraison sont les conséquences directes de cette situation pour tous les imprimeurs européens.
Le communiqué d’Antalis en la matière résume parfaitement les turbulences qui secouent le monde du papier actuellement : “La spirale haussière des prix se poursuit. Au cours des dernières semaines, de nombreux producteurs ont procédé à de nouvelles augmentations de prix. Il y a toujours une pénurie de matières premières et auxiliaires dans le secteur du papier et d’emballage. Les déficits des producteurs de matières premières, les ajustements structurels dans les usines de papier et l’augmentation de la charge de travail de certains fabricants qui en résulte entraînent des conditions d’approvisionnement plus complexes.”
La seconde partie de notre dossier développera plus en détail les nouveaux enjeux et challenges qui en découlent pour tous les imprimeurs, acheteurs et clients du marché print en Europe.
La crise du papier [dossier spécial]
Cet article est le 1er de notre dossier spécial sur la crise du papier. Hausses de prix, pénuries, quelles problématiques, quels enjeux ?